(Colton Haynes) Casey ~

Quand j'étais gosse, je voyais mon père comme un super-héros. Le même que je pouvais observer le matin, à la télé. En fait, il ne lui manquait bien que la cape pour faire de lui un véritable Dieu vivant à mes yeux. J'ai grandi dans une petite bourgade du Wyoming. Un village si petit que son nom ne vous dira sûrement rien. Ma mère est tombée enceinte à quinze ans, d'un homme d'une trentaine d'années. C'était volontaire pourtant. Enfin, pas la grossesse, juste la relation. Mes grands-parents n'ont pas réussi à supporter la “honte” et le “déshonneur” que leur si jolie petite fille avait fait tomber sur la famille. Le vieux drame familial que l'on pense n'arriver qu'aux autres. Ils l'ont chassé et elle n'a eu d'autres choix que de rester avec mon père. C'était un homme bien, avec de bonnes valeurs. Et puis, il était éperdument amoureux d'elle. En vérité, je ne me souviens que très peu de lui. Il était mineur. Un éboulement nous l'a enlevé quand j'ai eu sept ans. Au moins, mon père a réussi à sauver quatre de ses collègues avant de mourir sous la terre et le charbon. C'est là que les choses ont commencé à déconner à pleine balle. Du genre… Vraiment bien. On a déménagé à Las Vegas sur un coup de tête de ma mère. Elle n'avait aucun boulot et s'était mise en tête de devenir actrice. Comme ça. Du jour au lendemain. Ma mère a toujours été une belle femme et si je peux lui accorder ça, je ne peux décemment pas la croire capable d'un tel travail. Pas avec un talent aussi inexistant.

Bref. J'ai donc continué ma petite vie dans la ville qui ne dort jamais, passant de “fils d'un couple un peu disparate” à “petit frère d'une danseuse de charme”. Ouais. Petit frère. Avec notre écart d'âge, tout le monde gobé ses mensonges. Comme elle le disait si bien, ça foutrait sa carrière en l'air si les gens apprenaient qu'elle était maman. Quelle carrière ? Aucune idée. Elle n'a jamais décollé. C'est comme ça qu'elle appelait son boulot au club de strip-tease, espérant chaque soir qu'un homme influent, un producteur peut-être, tombe sous le charme de son physique. Au moins, les autres filles m'adoraient, c'était déjà ça. Ma mère a réussi a en faire tomber à ses pieds, des hommes. Beaucoup. Tant que j'ai encore du mal à tous les compter. Un seul à vraiment réussit à éveiller son intérêt. Ce type était metteur en scène sur une sitcom à l'eau de rose. Un truc du genre “les feux de l'amour”, mais en carrément plus drôle, tellement c'était mauvais. Ils ont entamé une relation sérieuse, tout du moins de son point de vue. De celui de ma mère, je n'ai jamais douté l'intérêt qu'elle avait à rester proche de cet homme. Elle a arrêté le strip-tease. Elle a même réussi à se faire embaucher dans ce navet sans nom comme figurante. Elle était aux anges et moi, j'étais au plus bas. J'avais alors seize ans, le coeur déchiré d'être toujours présenté comme le petit frère et non le fils, comme la chose que l'on transporte, non celle que l'on aime. J'étais fatigué d'entendre tous ses mensonges. La soi-disant mort tragique de nos parents, pour amadouer le réalisateur. Le passé difficile sous les coups de notre père ivrogne, pour faire pleurer les autres actrices. Le manque d'éducation flagrante que j'avais reçu et qu'elle essayait vainement de m'inculquer. Que des conneries. Quoi que pour l'éducation, elle n'a jamais été très brillante. À seize pige, je savais à peine lire et écrire. C'est toujours le cas, d'ailleurs.

Mais la vie a continué. Elle a quitté ce pauvre gars qu'elle avait rencontré pour quelqu'un de plus influent. Et ce fut la goutte de trop. Je me souviens encore de ce jour-là. Ce jour où, pour l'énième fois, elle me présentait comme le petit frère dont elle avait eu la garde. Ce fut comme un déclic. J'allais lui faire payer son abandon chronique et sa stupidité. J'ai couché avec ce type. Oh, je n'ai pas eu à faire beaucoup d'efforts pour l'amadouer, puisque ce pauvre gars qui n'avait rien demandé c'était montré naturellement intéressé. Si j'étais plutôt craintif de prime abord, je dois bien avouer que ce n'était pas aussi dégoûtant que je l'avais pensé, à la base. C'était même… Très bien, en vérité. Lorsque ma mère l'a appris, elle m'a tout simplement viré de chez elle. Elle m'a hurlé les pires horreurs aux visages, et elle a claqué la porte. Je me suis retrouvé à la rue à presque dix-huit ans, mais paradoxalement, je me sentais enfin revivre. J'ai quitté Las Vegas pour un coin plus tranquille, dans l'Oregon. Au fond, j'avais toujours vécu plus ou moins seul. Les flics du coin m'adoraient, sans doute parce que je ne faisais jamais vraiment d'histoire et que j'étais toujours clean avec eux. Aussi, lorsque les choses ont recommencé à se gâter, ce sont eux qui ont plaidé en ma faveur devant le juge. J'ai joué des poings avec le mauvais type. Un gosse de riche qui trouvait malin de violemment rabaisser une de mes protégées. Une gamine que j'avais prise en affection. Je lui ai pété un bras et déboîté une épaule. Pour autant, je ne m'en sens pas vraiment coupable, ce gars l'avait clairement cherché. Au vu de mon casier vierge et du témoignage des forces de police, le juge m'a laissé un choix crucial. La prison, ou un suivi psychologique poussé. J'ai opté pour la deuxième option.

J'ai été suivi dans un centre pour jeunes délinquants, avant que les psychologues ne comprennent mon manque cruel de sociabilité et d'éducation. Pour eux, je n'avais rien à faire ici et il me fallait un suivi bien plus adapté pour mes problèmes et pour réussir à m'en sortir correctement. C'est comme ça que je suis arrivé ici. Et pour être honnête, je dois bien remercier ces gens qui n'ont pas eu de cesse de me pousser dans le droit chemin. Cela ne fait même pas un an et pourtant, je m'y sens à ma place. J'ai réussi à me faire à cette vie un peu plus paisible, à ces gens honorables et disparates. J'ai eu de bon tuteur, parfois un peu trop demandeur. On m'a appris à utiliser le sport comme exutoire. Même si mes crises de rages sont encore présente et malmène parfois les nerfs des autres, je les maîtrise bien mieux aujourd'hui qu'hier. Pour autant, je suis resté solitaire. Même si je connais la plupart des têtes de ce centre, ainsi que leur nom, je n'ai jamais vraiment sympathisé avec eux. Entre les cours qui me remettent un peu à niveau et le sport que je pratique sans cesse, j'ai encore un peu de mal à trouver du temps pour autrui. Je ne pense pas avoir encore trouvé ma voie. Peut-être un jour, peut-être jamais. Tout ce que je sais, c'est que j'ai trouvé ici ce que j'espérais tant avant. Un foyer accueillant, avec des personnes honnêtes. Un endroit où je peux me vanter d'être chez moi.